mardi 13 avril 2010

"Rue des Boutiques Obscures" de Patrick Modiano


Rue des Boutiques Obscures de Patrick Modiano, Gallimard, 1978, 214 p.


Un homme, amnésique, part à la recherche de son identité.
Il remonte une trace, rencontre après rencontre, photo après photo... Il croise d'improbables personnages et fait surgir leur passé dans l'espoir de s'y découvrir. Il tente de faire remonter ses souvenirs en se les évoquant, en se les décrivant, pour finalement se rendre compte qu'il a endossé le rôle d'un autre, que la personne qu'il tentait de rejoindre par le souvenir n'est pas lui-même.

Ce roman est une quête, une recherche incessante dans laquelle le "héros" et le lecteur n'obtiennent pas de réponse, mais seulement de nouvelles pistes pour poursuivre la balade. De ce fait, il n'y a pas de fin.

L'auteur mène en parallèle une réflexion sur le passé, ou plus précisément sur le rapport au passé. Comment vivre sans se souvenir? Cependant à quoi bon chercher à tout prix le passé si on ne vit plus au présent?

samedi 10 avril 2010

"Le village de l'Allemand : Ou Le journal des frères Schiller" de Boualem Sansal



Le village de l'Allemand : Ou Le journal des frères Schiller de Boualem Sansal, Gallimard, 2008, 263p.

La narration est assez originale : un frère un peu kaira, vivant dans la cité et ayant failli devenir islamiste radical écrit un journal dans lequel il insère des passages du journal de son frère, ce dernier s'étant récemment suicidé après avoir découvert le passé SS de leur père. L'auteur alterne donc des styles d'écritures bien différents.

Cette situation est un prétexte pour le fond : Boualem Sansal s'interroge ici sur la question de l'héritage et le poids du passé.

L'ainé, en repartant sur les traces de ses parents, assassinés en Algérie, va y découvrir le passé de son père. Entre incrédulité et anéantissement, il va alors retracer ses différentes actions et son implication dans l'holocauste. Cette quête devient une sorte de pèlerinage, un chemin de croix pour connaître et souffrir. Cette culpabilité injustifiée mais insondable d'être le fils de son père va le mener au suicide. Son journal sera transmis à son petit frère qui découvre l'ampleur de la réalité historique du génocide et met ce dernier en parallèle avec la montée de l'islam intégriste des cités.
Cette mise en parallèle finit par être un peu lourde et semble aussi un peu simple. La fin du roman traîne en longueur, l'auteur tourne autours des mêmes thèmes et des mêmes questions sans conclure. Je n'ai pas vu l'intérêt des lettres écrites par le jeune frère à l'administration française, comme des bouteilles à la mer.

Un roman intéressant, qui rend hommage à "si c'est un homme", mais qui n'a pas l'étoffe d'un chef d'œuvre.

jeudi 1 avril 2010

"Saya" de Richard Collasse

Saya de Richard Collasse, Seuil, 2009, 222 p.

Au Japon, dans les années 2000, nous suivons la vie de trois personnages : Jinwaki cadre dans un magasin de luxe et récemment mis au chomâge, Kaori, son épouse, et Saya, jeune lycéenne. Tous les trois vont expérimenter une perte de repères, une sorte de rupture. Jinwaki en perdant son travail, Kaori en n'ayant plus à s'occuper de sa belle-mère suite à son décès, et Saya en joignant sa vie au lycée à la pratique de "rapports subventionnés" pour gagner de l'argent de poche. La narration découpée par trois points de vue , plus ou moins chronologique, est très efficace.

Le roman est prenant, on est vite emmené dans la vie de ces personnages coincés dans leurs situations d'échecs. Le ton est parfois cru, assez violent et tendu mais l'émotion passe et domine l'ensemble.

On se prend de sympathie pour Saya, adolescente japonaise, ayant vécu en France, et qui tombe éperduement amoureuse de son deuxième "client"... sa présence est lumineuse, elle est un peu irréelle avec un côté "fantasme concrétisé" (parlant français, adorant la musique classique et en jouant etc.) mais cela n'est pas trop gênant dans le récit. Jinwaki est aussi touchant dans son incapacité à réagir face à son licenciement, il s'accroche à Saya et vit en marge de sa vie d'avant une histoire d'amour complétement improbable et immorale, mais sincère. Chose surprenante, La sympathie s'étend à Kaori. Cette femme acariâtre fait payer sa vie gâchée et sa frustration par des petites tortures quotidiennes envers sa belle-mère (qui le lui rend bien), et par des dépenses inconsidérées. Elle trouve le réconfort auprès de son chihuahua, Brad, et se cache derrière un strict respect des apparences. On sent la femme désœuvrée, qui , ayant vécu pour une famille dont l'existence se disloque, cherche un sens à sa vie.

La fin est un peu décevante : rapide et saugrenue (ne pas lire si vous n'avez pas lu le livre : ayant trouvé un nouveau travail, Jinwaki part à l'étranger et perd son téléphone, ce qui rompt le contact avec Saya, celle-ci tombe en dépression et finit par se suicider persuadée qu'il l'a oublié, le tout sous les yeux de Jinwaki qui était revenu au Japon et prenait le métro : certes...)

Malgré cela, le roman se lit d'une traite et offre un bon panorama de la société japonaise avec ses conventions et ses contradictions.