jeudi 1 avril 2010

"Saya" de Richard Collasse

Saya de Richard Collasse, Seuil, 2009, 222 p.

Au Japon, dans les années 2000, nous suivons la vie de trois personnages : Jinwaki cadre dans un magasin de luxe et récemment mis au chomâge, Kaori, son épouse, et Saya, jeune lycéenne. Tous les trois vont expérimenter une perte de repères, une sorte de rupture. Jinwaki en perdant son travail, Kaori en n'ayant plus à s'occuper de sa belle-mère suite à son décès, et Saya en joignant sa vie au lycée à la pratique de "rapports subventionnés" pour gagner de l'argent de poche. La narration découpée par trois points de vue , plus ou moins chronologique, est très efficace.

Le roman est prenant, on est vite emmené dans la vie de ces personnages coincés dans leurs situations d'échecs. Le ton est parfois cru, assez violent et tendu mais l'émotion passe et domine l'ensemble.

On se prend de sympathie pour Saya, adolescente japonaise, ayant vécu en France, et qui tombe éperduement amoureuse de son deuxième "client"... sa présence est lumineuse, elle est un peu irréelle avec un côté "fantasme concrétisé" (parlant français, adorant la musique classique et en jouant etc.) mais cela n'est pas trop gênant dans le récit. Jinwaki est aussi touchant dans son incapacité à réagir face à son licenciement, il s'accroche à Saya et vit en marge de sa vie d'avant une histoire d'amour complétement improbable et immorale, mais sincère. Chose surprenante, La sympathie s'étend à Kaori. Cette femme acariâtre fait payer sa vie gâchée et sa frustration par des petites tortures quotidiennes envers sa belle-mère (qui le lui rend bien), et par des dépenses inconsidérées. Elle trouve le réconfort auprès de son chihuahua, Brad, et se cache derrière un strict respect des apparences. On sent la femme désœuvrée, qui , ayant vécu pour une famille dont l'existence se disloque, cherche un sens à sa vie.

La fin est un peu décevante : rapide et saugrenue (ne pas lire si vous n'avez pas lu le livre : ayant trouvé un nouveau travail, Jinwaki part à l'étranger et perd son téléphone, ce qui rompt le contact avec Saya, celle-ci tombe en dépression et finit par se suicider persuadée qu'il l'a oublié, le tout sous les yeux de Jinwaki qui était revenu au Japon et prenait le métro : certes...)

Malgré cela, le roman se lit d'une traite et offre un bon panorama de la société japonaise avec ses conventions et ses contradictions.