mercredi 1 septembre 2010

"La parenthèse" d'Elodie Durand

"La parenthèse" d'Elodie Durand, Delcourt, 2010, 221 p.

Voilà une Bande Dessinée très originale par son sujet et très réussie.

C'est l'histoire d'une parenthèse de quatre ans dans la vie de l'auteur (qui se représente via le personnage de Judith), due à l'épilepsie : Comment cette maladie très étrange et assez peu connue est arrivée, comment elle a été découverte puis combattue, quelles conséquences sur la vie quotidienne de la jeune fille et les rapports avec ses proches...

Elle va tout perdre : savoirs, "capacités intellectuelles", mémoire... et presque la vie. Puis la guérison arrive, inespérée, et le lent ré-apprentissage recommence ...de l'alphabet à la recherche de ses souvenirs

L'ensemble est impressionnant de justesse, ni larmoyant (même si l'émotion est présente), ni lourd. Elodie Durand raconte cette expérience avec recul, précision, légèreté, sensibilité... bref avec talent.

Ce roman graphique est à vraiment à découvrir. Une des meilleure BD de l'année 2010.

Une interview d'Elodie Durand sur la parenthèse : cliquez ici !


"Le Trône de fer" de George R.R. Martin


"Le Trône de fer : L'intégrale T.1" de George R.R. Martin, J'ai lu, 785 p.

Le royaume des sept couronnes est en crise. Le pouvoir, la survie, la vengeance sont les objectifs des différentes familles de ce monde médiéval. Et "l'Hiver vient"...

Après un début un peu "difficile" du au style (Je crois plus à une volonté de l'auteur qu'à des soucis de traduction : le style est en effet assez particulier avec un vocabulaire très recherché et parfois désuet auquel il faut s'y habituer pendant presque une centaine de pages), mais aussi à la multiplicité des personnages, et à une "entrée dans l'histoire" presque banale... un scénario incroyable se met en place.

Le suspense est terrible, le rythme narratif est très bon, les personnages - malgré leur nombre- sont fouillés et profonds. C'est une saga épique, violente (le sang ruisselle et jaillit toutes les deux pages..) où se déchainent les complots, les combats et les rumeurs. Le découpage, un point de vue différent à chaque chapitre, permet à l'intrigue de se complexifier à l'envie. Une vraie fresque, un observatoire des passions humaines.

"Au jeu des trônes, il faut vaincre ou périr..."

A vivement conseiller à tous les amateurs de livres complexes, de sagas, d'aventures... c'est vraiment une oeuvre marquante.
A déconseiller à ceux qui ne savent pas s'adapter au style de l'auteur , à ceux qui pensent que tous les livres de fantasy doivent se focaliser sur la magie ou encore à ceux qui ne supportent pas la violence (mais pourquoi sont-ils si méchants?), bisnounours : passez votre chemin.

samedi 10 juillet 2010

"De grandes espérances" de Charles Dickens

"De grandes espérances" de Charles Dickens, Livre de poche, 606 p.


On suit les aventures de Pip, jeune garçon se destinant à devenir forgeron une fois son apprentissage terminé auprès de Joe son beau-frère et ami.
Mais le destin s'en mêle, et lui fait rencontrer et aider un bagnard en fuite, puis servir Miss Havisham, une vieille dame en quête de vengeance sur la race masculine. Il croise dans sa demeure, pleine de poussière sur fond de gâteau de mariage pourrissant, Estella, dont la beauté et la cruauté lui broient le coeur.
Il est désormais honteux d'être un rustre et ne souhaite qu'une chose : devenir un gentleman dont Estella ne pourra plus se moquer.

Heureusement une fortune lui arrive, sous la forme d'une rente au donateur ou à la donatrice mystérieux(se)... Pip part alors vivre à Londres, où il va devenir un vrai gentleman, c'est-à-dire apprendre à ne rien faire mais à dépenser plus d'argent qu'il n'en a.
Sa vie est remplie d'amis, de dettes, d'espoirs concernant Estella et majoritairement de souffrance car tout ne se passe pas comme prévu, bien sûr.

Le roman de Dickens offre une vision d'un récit initiatique, rempli de mal être et de souffrance. Cependant la souffrance du personnage n'empêche pas l'humour ! Le roman recèle de situations cocasses et de phrases typiques de Dickens, d'une ironie mordante. Le style de Dickens suffit à justifier la lecture de ce roman, d'après moi. Malgré la présence de rebondissements, il n'y a pas vraiment de suspense, le lecteur se doute bien que les grandes espérances de Pip ne sont pas fondées. Les descriptions des atmosphères (Londres, mystérieuse et dangereuse...) et des personnages nombreux et inattendus (attention il ne faut cependant pas s'attendre à du réalisme ou bien à une ampleur psychologique incroyable) rendent la lecture très intéressante.






lundi 5 juillet 2010

"Le chevalier inexistant" d'Italo Calvino


"Le chevalier inexistant" d'Italo Calvino, Ed du Seuil, 1962 (trad. française)

Charlemagne fait la tournée de ses chevaliers. Au moment de saluer l'un des meilleurs d'entre eux, il demande à ce dernier de lever sa visière et constate qu' Agilulfe Bertrandinet des Guildivernes n'existe pas.
C'est le début de l'histoire de ce chevalier à l'armure immaculée, rigide à l'extrême sur tous les sujets - de la propreté du camp à la bonne organisation de la distribution de soupe- qui n'est là que par un effort constant de ne pas se diluer dans l'air.
On croise dans ce roman court d'autres personnages étranges : la curieuse guerrière à l'armure mauve, un adolescent qui brûle de faire ses preuves et de venger son père... ou encore la confrérie des chevaliers du graal, possédée par sa tâche et source de bien des maux...

Un récit qui manie l'absurde et la raillerie, bien écrit, avec quelques phrases étonnantes... un ton qui fait parfois un peu penser à Ionesco....
A lire pour découvrir Calvino et son monde étrange !

jeudi 24 juin 2010

"Crime et châtiment" de Dostoïevski


Crime et châtiment, de Dostoïevski, Garnier Flammarion, 1999, 626p.


Crime et châtiment est l'un des romans les mieux construits que j'ai pu lire. Il n'est certes pas toujours très facile à lire( ah ! profusion de personnages aux noms, prénoms, surnoms russes... vous voulez m'embrouiller, mais je ne céderai pas !), cependant on entre immédiatement dans l'intrigue et jusqu'au bout on est pris par cette histoire et par ces personnages. 626 pages ... mais aucune longueur !

L'écriture joue bien entendu un grand rôle, elle est très maîtrisée.

Les personnages sont peut-être ce qu'il a de plus réussi : Dostoïevski les rend incroyablement vivants. Leurs réflexions et tourments psychologiques nous donnent l'impression d'être non à leur côté, mais sous leur peau. Leurs caractères - très riches et contrastés- concentrent l'Humanité, thème récurrent chez Dostoïevski.

Crime et châtiment est bien entendu ce qu'on appelle un roman psychologique, car tout (les réflexions des personnages, leurs actions, l'enquête etc.) y est analysé par ce biais et le rôle de la psychologie dans la société est même abordé directement. Son sujet principal est la psychologie d'un criminel, qui est ici loin de ressembler à l'image habituelle que l'on pourrait avoir d'un assassin.
On assiste à l'analyse de l'esprit humain, des névroses, de la misère, de la présence ou non de la culpabilité... Comme dans d'autres romans de Dostoïevski, l'aspect chrétien est très présent, les thèmes du mal, de la tentation, de la rédemption sont au cœur de ses réflexions.

Ce roman fait vraiment une forte impression et on comprend que M. Vogüé, académicien, ait pu juger en 1886 que la plupart des Français ne pourraient pas terminer sa lecture car" la puissance d'épouvante de l'écrivain est trop supérieure à la résistance d'une organisation moyenne". ^^



-Personnages principaux-

Raskolnikov -dit Rodia- est le personnage principal, ex-étudiant en droit , presque abruti par la misère, il rêve d'une solution définitive pour s'en débarrasser et s'assurer un capital, tout en refusant d'abord de penser sérieusement à "la chose". Pourtant, emporté par sa théorie sur la différence entre les gens ordinaires et les personnes extraordinaires mais aussi par la torture psychologique à l'idée d'être un fardeau pour sa mère et sa sœur, il va commettre un crime affreux. Cet assassinat lui porte sur les nerfs et il sombre dans une maladie proche de la folie. Plongé dans le délire, Raskolnikov ne cesse de "se vendre" par mille indices. Il ne connaît pas de remord d'avoir tué la "mauvaise petite vieille" mais ne parvient pourtant plus à vivre normalement. Il envisage toutes les possibilités pour "s'en sortir". Mais sous l'influence de Sonia, il va se décider à se dénoncer et à assumer son châtiment.
C'est un personnage plein de contradictions: très fier, parfois égoïste, emporté (et assassin)... il est aussi généreux, rempli d'amour filial et apte à la pitié.

Pulchérie Alexandrovna Raskolnikova est sa mère, personnage secondaire, elle incarne la Mère au-delà de sa personne. Elle adore Rodia, souffre de son comportement et de ne pas le comprendre. Lorsqu'elle aura l'intuition de ce qui s'est passé, elle sombrera dans la folie et la maladie.

Dounia (Avdotia Romanovna) est sa sœur. C'est une femme belle et forte dotée d'un sens moral à toute épreuve. Elle a le sens de la famille et du sacrifice et désire sauver les personnes qui l'entourent. Elle est d'abord gouvernante chez Marthe Petrovna et Svidrigaïlov où ce dernier lui fait la cour, ce qui provoque la fin de son contrat. Elle accepte de se fiancer avec Loujine, afin d'avoir de quoi aider son frère. Mais elle rompt ses fiançailles une fois qu'elle aperçoit sa bassesse.

Arcade Ivanovitch Svidrigaïlov est le veuf de Marthe Petrovna. On sait qu'il a persécuté Dounia de ses avances. C'est un être sensuel, obsédé par les femmes et les très jeunes filles. Il semble presque une incarnation du Diable,tant il est responsable de nombreux "déshonneurs" et même du suicide d'une toute jeune fille. Pourtant il est véritablement amoureux de Dounia et la réitération de son refus le brise. Il fait jusqu'à la fin de nombreuses actions tantôt bonnes (Il va assurer une place et de l'argent aux orphelins, il donne une somme à Sonia...), tantôt mauvaises (il tente d'abuser de Dounia, fait du chantage...) ou parfois très ambigües. Sur Saint-Pétersbourg il dit hésiter entre un voyage ou un mariage avec une nouvelle fiancée de 16 ans. Il choisit finalement de "partir en Amérique" et se suicide. C'est un personnage étonnant, il n'a pas de morale et souhaiterai pourtant être racheté, il est perdu dans tous les sens du terme.

Marmeladov, ancien fonctionnaire et désormais ivrogne notoire, il raconte sa vie à Rodia qui en est profondément touché (Partie I, Chap. 2). Toutes les misères qui peuvent être liées à l'alcool sont ici présentes avec une violence morale incroyable. Marmeladov se sait responsable d'une grande partie des malheurs qu'il inflige à sa famille, il souhaite être puni, crucifié mais ne change rien, telle une épave, allongé par terre, il est responsable sans l'être vraiment d'un déchirement intrafamilial. Sa femme est phtisique et devient folle, sa fille aînée a accepté le déshonneur pour que les quatre autres enfants ne meurent pas de faim. Il finit par se jeter sous les roues d'un fiacre, et ramené par Rodia dans sa famille expire dans la nuit.
A côté l'Assommoir c'est oui-oui va au troquet.

Catherine Ivanovna, est la femme de Marmeladov. Instruite et fille d'un "presque" colonel, Catherine ne pardonne pas à son mari de boire leur vie. Ses enfants n'ont plus que des haillons, qu'elle nettoie la nuit car ils n'ont aucun vêtement de rechange. Sa maladie empire au fil du temps et les malheurs finissent par lui déranger le cerveau. Elle bat ses enfants et les aime. Elle organise un "grand souper funèbre" avec l'argent offert par Rodia pour l'enterrement de Marmeladov. N'ayant plus toute sa tête, elle froisse et insulte à plusieurs reprises sa logeuse, qui l'avait aidé pour le repas et à qui elle doit plusieurs loyers: elle se retrouve à la rue avec les enfants, où complétement folle désormais, elle se met à les déguiser et à les faire chanter, jusqu'à succomber à une dernière attaque de phtisie.

Pierre Petrovitch Loujine est le fiancé de Dounia, sa première rencontre avec Rodia se passe mal puisqu'il est insulté par ce dernier. Rodia le juge d'instinct comme un être bas. Effectivement Loujine est peut-être le pire des personnages. Pour lui seul l'argent compte dans ce monde. Il est très satisfait de lui-même et n'éprouve jamais de remord, n'ayant jamais le sentiment de véritablement mal-agir. D'un égoïsme féroce, il n'avance rien à sa fiancée pour le trajet et se propose simplement de transporter leur malle. Il leur trouve un meublé minable qu'il ne se propose même pas de payer. Lorsque Dounia rompt avec lui il imagine un stratagème ignoble pour nuire à Rodia qu'il estime plus ou moins à raison être responsable (Partie V). Il décide de salir la réputation de Sonia, afin de pouver à Dounia que son frère n'est pas digne de confiance. Il profite du repas de la veillée funèbre pour ce faire. Habitant dans le même immeuble, il demande à Sonia de venir le voir, pour lui parler et finalement lui donner un billet de 10 roubles afin officieusement de l'aider, le tout sous le regard de Lebeziatnikov, un voisin "progressiste" . Il descend ensuite au repas l'accuser de lui avoir volé 100 roubles, qui sont bien sûr retrouvés, pliés dans la poche de Sonia. Le témoignage de Lebeziatnikov tourne en la défaveur de Pierre Petrovitch puisqu'il affirme l'avoir vu lui-même glisser ce billet supplémentaire dans la poche de Sonia. Son stratagème a échoué.

Razoumikhine est le meilleur ami de Rodia, il lui propose du travail, lors de sa maladie, il l'assiste de manière dévouée et l'aide de mille manières. Il devient l'ange gardien de sa mère et de sa soeur, bien volontairement puisqu'il est sous le charme de Dounia. Energique, positif, parfois un peu trop naïf, c'est l'image du bien et de la gentillesse.

Sonia (Sophie Semionovna Marmeladova) est la fille aînée de Marmeladov. Pour faire survivre sa belle-famille, elle se déshonore. C'est l'image même de la victime. Petite, frêle et fragile elle a pourtant une grande force qui lui vient de sa foi en Dieu. Rodia la prend en pitié, puis ressent le soin de se confesser à elle de son crime. Elle est épouvantée et l'encourage à se dénoncer, mais elle ne se détourne pas de lui. Elle va le suivre en Sibérie, près du bagne, pour le voir régulièrement. C'est grâce à elle que Rodia sera véritablement sauvé. Car avoir accepté la justice des hommes n'est pas suffisant, il continue de ne pas ressentir de remord vis-à-vis de son crime. C'est après plusieurs mois au bagne qu'arrivera la renaissance de Rodia, grâce à l'amour de Sonia, personnage décidément bien christique.

Porphyre Petrovitvh est le commissaire chargé de l'enquête de la vieille usurière et de sa soeur. Il est fin analyste de la psychologie humaine et soupçonne fortement Rodia. Il cherche à confirmer ses intuitions lors de conversations soi disant badines, portant notamment sur la thèse de Rodia exposée dans un article (Partie III, Chap.5). Ses interrogatoires détournés sont terribles, et Rodia n'obtient un sursis qu'avec la déposition inopinée de Nicolas -un ouvrier peintre qui travaillait en dessus de l'appartement de la petite vieille - qui s'accuse du meurtre à la stupéfaction de tous. Porphyre Petrovitch vient chez Rodia et lui fait comprendre que malgré la déposition de Nicolas, il est fermement convaincu que c'est bien lui le coupable et il lui conseille de venir faire ses aveux on lui promettant que cela permettra une remise de sa peine (Partie VI).

mardi 22 juin 2010

"Il n'y a pas d'impasse sous le ciel" de Chow Ching Lie


"Il n'y a pas d'impasse sous le ciel" de Chow Ching Lie, Editions Fischbacher, 2004, 272p.

L'auteur du Palanquin des larmes nous livre ici un récit de sa vie entrecoupé de contes d'origine chinoises et/ou bouddhistes. L'ensemble se lit très facilement, le style n'est pas particulièrement remarquable, mais justement il ne se fait pas remarquer.

On est touché par la vie de cette femme : mariée très tôt en Chine et rapidement veuve, elle est venue en France pour se perfectionner au piano, tout en y montant un commerce pour soutenir le reste de sa famille, et en se mettant à l'écriture dès ses débuts d'apprentissage de la langue française. Sa vie se partage désormais entre la Chine et la France, et entre la musique et la littérature.

Convaincue et convertie au bouddhisme, elle y puise ses maximes pour orienter sa vie (et conseiller celle des autres), ce qui donne un ton parfois un peu moralisateur, qui se ressent d'autant plus lorsque cette morale s'éloigne de la notre.

Cependant ce livre vaut la lecture pour tout ces passages de contes traditionnels chinois, et amène à réfléchir sur la vie (ce qui est déjà pas mal !). On a une très bonne porte d'entrée sur la philosophie bouddhiste.

J'ai particulièrement aimé ce conte :
Un roi ambitieux veut rassembler toute la sagesse de son pays. Après des années de recherche ses sages ont composé une bibliothèque imposante. Découragé devant tant d'ouvrages, il demande qu'on lui résume l'ensemble. Après une dizaine d'années de travail les sages lui présentent 60 livres. Mais c'est encore trop, il demande qu'on lui résume en un seul ouvrage. Au moment où un des sages lui apporte le recueil, le roi est en train de mourir. Il lui demande alors de lui résumer la sagesse du monde en une seule phrase. Le sage lui répond : -vivre le moment présent.

mardi 15 juin 2010

"La romancière et l'archéologue" d'Agatha Christie Mallowan


"La romancière et l'archéologue- Mes aventures au Moyen-Orient" d'Agatha Christie Mallowan, petite bibliothèque Payot, 2006, 316p.


Présentation de l'éditeur :

« Épousez un archéologue : plus vous vieillirez, plus il vous aimera », a dit un jour Agatha Christie (1890-1976). Cette fine mouche qui riait de tout pratiquait l’autodérision avec un art consommé. Outre ses soixante-dix romans policiers, il y a mieux et beaucoup plus savoureux que son autobiographie : ce sont ses aventures au Moyen-Orient qu’elle publia en 1946 pour répondre à tous ceux qui lui demandaient sans cesse comment elle avait vécu là-bas auprès de son deuxième mari.

Comment pouvait-elle imaginer, en effet, alors qu’elle voyageait pour la première fois à bord de l’Orient-Express en 1928, combien son existence allait être modifiée à jamais ? Elle laissait en Angleterre une enfance heureuse passée dans un manoir victorien du Devon, l’échec d’un premier mariage et une carrière littéraire déjà bien assise pour partir en Iraq à la découverte des champs de fouilles d’Our, invitée par les archéologues Leonard et Katherine Woolley. La romancière avait toujours été fascinée par l’Orient, à tel point qu’elle rendit de nouveau visite à ses amis l’année suivante.

Cette fois, les Woolley eurent l’excellente idée de la confier à un jeune archéologue prometteur, Max Mallowan. Ce dernier devint son cicérone, ils visitèrent ensemble la Chaldée et s’éprirent l’un de l’autre. Agatha était âgée de quarante ans, Max n’en avait que vingt-six, mais il la trouvait irrésistible d’intelligence, de charme et d’esprit, qualités qu’elle-même appréciait chez ce garçon si singulier qui n’avait jamais lu aucun de ses romans et n’était nullement impressionné par sa notoriété. Ils se marièrent avant la fin de l’année.

Commença alors une vie de voyage avec son époux. Ils travaillèrent essentiellement en Syrie et en Iraq, et Agatha l’accompagna avec joie dans ses pérégrinations. Elle continua à écrire ses propres ouvrages sur place tout en étant une assistante précieuse pour son mari. Elle prenait des photos, les développait, étiquetait les objets trouvés. (Pour dépoussiérer les plus fragiles elle utilisait une aiguille à tricoter et un pot de crème pour le visage !)

La Romancière et l’archéologue regroupe cinq saisons de fouilles (entre 1934 et la fin des années 1930) avec toujours pour fil directeur une solide expérience de la nature humaine et un humour inoxydable, et ce quel que soit le sujet évoqué – la constipation des ouvriers ou les sous-vêtements d’un chauffeur. Rien n’échappe à Agatha Christie, depuis les dissensions opposant les diverses ethnies jusqu’au sort des femmes musulmanes.



Effectivement, ce livre nous transporte aux côtés d'Agatha Christie aux prises avec les mille et un problèmes liés à la vie quotidienne lors des voyages et fouilles !
Problèmes? pas vraiment, malgré les fermetures éclair sournoises, les puces, les souris, les cafards, les cuisiniers n'ayant jamais fait la cuisine, les chauffeurs dressant le camion comme s'il était un jeune cheval... Tout cela est plutôt matière à s'amuser !

et le résultat est que ce livre est vraiment très distrayant !
on aperçoit Agatha Christie sous une autre facette, qui est très agréable, c'est aussi l'occasion de voir que les relations entre les différentes ethnies étaient déjà très compliquées et que devoir les diriger sur un camp de fouille demande beaucoup de diplomatie!


A conseiller aux amateurs de voyages, de fouilles, d'Agatha Christie, d'humour, de Moyen Orient etc.

"Chronique japonaise" de Nicolas Bouvier

Chronique Japonaise, de Nicolas Bouvier, Petite bibliothèque Payot, 1989, 257p.

Nicolas Bouvier nous raconte le Japon, par petites touches (bien sûr subjectives) sur le mode de la conversation, avec un style fin et non dénué d'humour.

La première partie "la lanterne magique" est pour moi la plus intéressante :
un véritable résumé de l'histoire et des mythes du Japon !
"l'année zéro" résume avec beaucoup de talent la mythologie compliquée de la création du Japon.
Les chapitres suivants permettent de comprendre les multiples relations du Japon avec la Chine, l'influence du bouddhisme, les relations avec les premiers européens, l'implantation puis la "fin" du catholicisme sur l'île, l'obligation d'ouverture au 19e siècle et la fameuse période Meiji. Cette fresque se termine par l'évocation de la seconde guerre mondiale et sa fin tragique.
Passionnant, rapide à lire ( moins de 100p), et très instructif pour comprendre l'esprit japonais !


La deuxième partie "1956, l'année du Singe" est consacrée à des notes sur l'installation de l'auteur à Tokyo. On y trouve une description des quartiers populaires et de l'esprit du petit peuple japonais de l'époque.

La troisième partie "La pavillon du nuage auspicieux, 1964"parle de Kyoto et du zen.

La quatrième partie "1965, le village de la lune"raconte une soirée étrange dans un petit village, Tsukimura, la nuit d'un festival qui semble ne jamais arriver.

La cinquième partie " L'île sans mémoire" est étrangement (comme le fait remarquer l'auteur lui même) consacrée à Hokkaido, le "chemin de la mer du nord", cette île au final si peu japonaise, initialement territoire des aïnous, longtemps boudée par les japonais, aménagée à l'américaine, désormais territoire de tourisme pseudo-historique ou sportif... un voyage somme toute mélancolique.

Chronique japonaise est un classique de la littérature de voyage, qui reste très intéressant malgré les années (écrit dans les années 50 et 60) !

vendredi 11 juin 2010

"Où on va, papa?" de Jean Louis Fournier


Où on va, papa? de Jean- Louis Fournier, Stock, 2008, 154p.

Présentation de l'Éditeur- extrait du livre:

"Jusqu à ce jour, je n ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi ? J avais honte ? Peur qu on me plaigne ? Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c était pour échapper à la question terrible : « Qu est-ce qu ils font ? » Aujourd hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j ai décidé de leur écrire un livre. Pour qu on ne les oublie pas, qu il ne reste pas d eux seulement une photo sur une carte d invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d ange, et je ne suis pas un ange. Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d eux avec le sourire. Ils m ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement. Grâce à eux, j ai eu des avantages sur les parents d enfants normaux. Je n ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait : rien."


Voici un livre d'un véritable humour noir.

L'auteur, père de deux enfants profondément handicapés, écrit sur eux des tranches de vie, des réflexions cruelles ou touchantes selon les moments, avec toujours avec beaucoup d'humour.
Un humour certes parfois forcé, mais indispensable, car seul réel échappatoire, même si la tendresse et la sincérité sont également présentes.

"L'heure de pointe" de Dominique Simonnet


L'heure de pointe : un roman en quatorze lignes de Dominique Simonnet,
Actes Sud, 2010, 133p.

Un court recueil de nouvelles, fraiches malgré le contexte souterrain et parisien (le métro).
Chacune se passe sur une ligne différente,lignes qui ne sont pas bien sûr sans se croiser.
L'ensemble se lit avec plaisir et légèreté, il y a une grande variété de tons et de personnages, ce qui surprend agréablement vu la brièveté du livre!
On se retrouve dans la peau de ce narrateur qui tantôt s'interroge sur les vies qu'il croise, tantôt les dévoile, mais aussi dans ses personnages et les codes secrets du métro!

A conseiller à tous les parisiens, et à tous ceux qui ont régulièrement emprunté les lignes de métro ^^

lundi 7 juin 2010

"Intégrale T. 13, les années 1971-1976" d'Agatha Christie

Intégrale T. 13 les années 1971-1976 d'Agatha Christie, Edition du masque, 1270p.

Voici les derniers romans d'Agatha Christie :
-Némésis +
Miss Marple se voit confier une enquête par testament. Sans aucune explication la voilà inscrite à un voyage organisé "Demeures et Jardins" à travers l'Angleterre. Elle va employer tout son bon sens à découvrir ce qu'on attend d'elle, et quelles sont les personnes qui l'accompagnent dans ce charmant voyage.
-Une mémoire d'éléphant

Hercule Poirot enquête sur une affaire vieille de plus de dix ans. Un mystérieux double homicide ou suicide? La police avait tranché pour la seconde option, mais l'affaire resurgit quand leur fille souhaite se marier. Peu de véritable suspens dans ce roman, qui reste cependant plaisant à lire.
- Le cheval à bascule
Tommy et Tuppence Beresford viennent d'acheter une maison, pour une retraite bien méritée. Pourtant le grenier et ses livres d'enfants révèlent des surprises, qui les amènent à rouvrir une enquête. L'intrigue est un peu compliquée, et l'on se perd dans des indices qui n'en sont pas forcément. Mais ce vieux couple embarqué dans une affaire qui finit par les dépasser est bien sympathique.
-Le bal de la victoire
Lors d'un bal costumé, un jeune et riche vicomte est poignardé, sa fiancée trouve la mort quelques heures plus tard. La résolution du cas par Poirot est toujours amusante, mais l'histoire n'est pas marquante
-Hercule Poirot quitte la scène ++
Ce roman fut écrit au début de la seconde guerre mondiale, et était destiné à apporter des revenus à sa fille si Agatha Christie venait à disparaître brutalement. Il fut gardé dans un coffre et publié en 1975, et non après la mort de l'auteur comme cela était initialement prévu.
C'est le dernier cas d'Hercule Poirot. On retrouve le détective affaibli, dans une maison de Styles court (lieu de sa première affaire! ), mais il n'est pas si diminué qu'on le croit! Une belle affaire et une belle fin pour le personnage qu'Agatha Christie ne souhaitait pas voir repris par d'autres. L'intrigue est particulièrement réussie et on cherche à faire marcher "nos petites cellules grises" sans percer seul le mystère !!

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La dernière énigme +
Publié en 76, après la mort de l'auteur, c'est le dernier livre où l'on trouve Miss Marple (mais ce n'est pas celui où elle est le plus âgée).
Une jeune femme revient des Indes s'établir avec son mari, et cherche donc une maison en Angleterre. Elle a un coup de foudre pour une petite villa, dans laquelle elle se sent chez elle...mais justement un peu trop...elle devine des portes qui ont été murées... Soudain une terreur inexplicable la prend dans l'escalier. Agatha Christie se lance t-elle dans le fantastique? Pas du tout, et Miss Marple va aider notre jeune fille à se sortir du guêpier dans laquelle son enquête la mène !

dimanche 6 juin 2010

"Crise - La solution interdite" de Pierre Larrouturou

Crise - La solution interdite de Pierre Larrouturou, Desclée de Brouwer, 2009, 306p.

Voici ce qu'on peut appeler un essai militant.
Pierre Larrouturou délivre son analyse de la crise que nous vivons ainsi que de nombreuses propositions pour la combattre.

L'ensemble est écrit de manière directe et facile à comprendre pour le grand public (ce n'est pas du tout réservé aux économistes!), appuyé sur de nombreux graphiques clairs qui illustrent le propos, et accompagné de multiples citations qui permettent de recentrer les idées principales. C'est donc très didactique et aussi rapide à lire (2 soirées pour moi). Tout le monde devrait le lire histoire de se faire une idée, d'avoir un autre son de cloche que les tirades convenues du gouvernement et les critiques historiques des syndicats.

Premières impressions : un vrai coup de neuf et des idées concrètes qu'on aimerait voir appliquées !

Voilà qui donne envie d'aller voir l'évolution des idées sur le site de Nouvelle Gauche, association militante pour la création d'un nouveau pacte social. Son mot d'ordre "mobiliser" car :

“Le monde ne sera pas détruit par ceux
qui font le mal, mais par ceux qui les regardent
sans rien faire.”

———————————————————– Einstein


Résumé des idées clés (je ne mets pas le détail, il faut se reporter au livre!)

Intro : La crise actuelle était prévisible. La preuve : elle était prévue par de nombreux économistes, d'après les niveaux de dette public, et plus encore les niveaux de dette privée (celle des ménages).

Chap. 1 : la crise n'est pas une crise financière.
La partie financière de la crise n'est qu'une conséquence d'une crise plus générale de la société. Il s'agit à la fois d'un manque de consommation et d'un niveau de dette privée trop élevé qui s'expliquent par un ralentissement historique voire une stagnation du niveau des salaires, du à l'absence de pouvoir de négociation sur lesdits salaires à cause de la pression du chômage. Face à un ralentissement de l'augmentation des salaires, et à l' inflation (certes maîtrisée mais cependant présente) : le pouvoir d'achat des ménages diminue , ce qui est à l'origine de l'explosion de la dette des ménages. L'emploi et le niveau des salaires sont au cœur du problème.

Chap. 2 : Des conséquences graves :
1) La crise sociale porte en germe des violences de la part de la population (émeutes de 2005, révolte à Athènes etc. ) mais aussi de la part des Etats (La Chine a augmenté de 15% son budget militaire en 2009, une grave récession pourrait provoquer une misère sociale et dégénérer).
2) La crise a également des conséquences sur le confiance dans les dettes des Etats. (on voit aujourd'hui que la confiance dans la dette des États est effectivement mise à mal avec la crise grecque notamment) Des Etats ont déjà été en faillite et suspendu le payement de leur dette... Que se passerait-il si les Etats-Unis dont la dette est la plus élevée au monde étaient en faillite?

Chap. 3 : la mondialisation n'est pas coupable.
Certes les délocalisations existent et ont des conséquences locales graves. Cependant au niveau national elles ne sont pas du tout responsables de 4 millions de chômeurs que connait la France (chiffre tenant compte de l'ensemble des catégories de chômeurs) : La production industrielle continuait en effet d'augmenter au niveau national jusqu'en 2007, il n'y a donc pas à priori de destruction d'emploi au niveau national.
La France s'est sort bien dans la mondialisation-du moins pour le moment- c'est le deuxième pays, après les USA, a attirer les investissements étrangers. La balance commerciale était excédentaire jusqu'en 2003 et elle est toujours excédentaire pour la zone Hors-Europe (en 2008).

Chap.4 La crise écologique.

La crise écologique ne se limite pas au réchauffement climatique du aux gaz à effet de serre ("s'il fait un peu plus chaud, quel problème?"), elle concerne la multiplication des phénomènes de sécheresse, d'inondation, de tempête, la disparition de certains glaciers etc, la disparition de certaines énergies fossiles etc. L'accès à l'eau est déjà source de conflits et de flux de population, cela va s'accélérer: on estime que le dérèglement climatique pourrait provoquer le déplacement de 200 millions de personnes et coûter 5500 milliards d'euros selon un rapport de 2006 de Nicholas Stern, ancien chef économiste de la banque mondiale. Notre niveau de consommation actuel est supérieur à la capacité de renouvellement des ressources , et cela, sans compter le développement de la Chine, l'inde, l'Afrique qui rattrapent leur retard de développement, consommation et pollution..
la crise sociale et financière ne doit pas servir de pretexte pour oublier la crise écologique.

Chap. 5 . La Croissance n'est plus la solution (voilà une pensée audacieuse !!)
Contrairement à tous les dogmes " il faut que la croissance revienne pour que le chômage se résorbe, etc" Pierre Larrouturou développe cette idée novatrice. La croissance permettrait effectivement de faire baisser le chômage si elle était supérieure 3% par an, or si l'on regarde l'évolution de la croissance avant la crise on observe qu'elle était déjà assez loin de de niveau. Depuis les années 60 elle baisse globalement, sauf durant la période de 97 à mi-2001 où elle a été boostée par un pétrole bon marché et un euro faible (facilitant les exportations). A partir du moment où l'euro s'est mis à remonter au cours de 2001, la croissance s'est tassée.
La baisse du chômage durant cette période vient donc en partie du contexte extérieur, mais aussi de l'augmentation des dispensés de recherche d'emploi (pour les chômeurs de + de 55ans) et par l'augmentation des "chômeurs invisibles", non comptabilisés. Une partie seulement s'explique par la création des emplois jeunes (env 273 000) et par la création des 35 h (330 000 env, les chiffres sur la création d'emploi des 35 h ont fait couler beaucoup d'encre, il est difficile d'appréhender réellement leur impact)
Pourquoi le dogme" croissance = solution" ? c'est un courant de pensée qui date du début des années 70, quand la croissance était supérieure à 5%, c'est à ce moment que la plupart des dirigeants actuels ont été formés. Depuis l'informatique a crée une nouvelle révolution de la productivité, qui change complétement la donne.

Chap. 6 Comment dégager 30 milliards de marges de manœuvre?
1) créer un impôt européen sur les bénéfices (qui ne plomberait pas la compétitivité, car en moyenne, les bénéfices sont taxés à 25% en Europe et à 40% aux USA), ce qui donnerait également des règles communes et éviterait le dumping fiscal entre les pays européens.
2) créer une écotaxe
3) concrétiser la Taxe Tobin (sur les transactions financières à court terme au niveau européen)
4) revenir en France sur le bouclier fiscal et la loi TERA (dégagement d'env. 14 milliards d'€)

Chap. 7 Introduire des normes sociales et environnementales dans le commerce mondial
La Chine a signé de nombreuses conventions avec l'OMC, mais ne les respecte pas. Avec la montée en technicité de la Chine (fabrication d'avion, de train..)et son dumping salarial, le commerce international risque d'être prochainement extrêmement défavorable à l'Europe. Il ne s'agit pas de sombrer dans un protectionnisme stérile, mais de favoriser le développement.
Par exemple en donnant un délai de 3 ans pour la mise en place concrète de mesures sociales et environnementales, et si elles ne sont pas respectées, les produits seront taxés, le montant de cette taxe serait réservé au financement d'aides à la retraite dans ces pays ou la réalisation de projets de protection de l'environnement.

Chap. 8 mettre en place un traité de l'Europe sociale
comme le traité de Maastricht, il y aurait 5 critères à respecter (par exemple à partir de 2015) sous peine de pénalités (qui alimenteraient un fonds social):
- taux de chômage < à 5% -taux de pauvreté < à 5% - taux de mal logés < à 3% - taux d'illettrisme à l'âge de 10 ans < à 3% - aide publique au développement > à 1% du PIB
Voilà des objectifs qui pourraient mobiliser les européens, et les faire recroire en l'Europe. Une étape indispensable avant la création d'une Europe politique.

Chap. 9 augmenter la sécurité professionnelle.
Le fameux modèle Danois de flexi-sécurité n'est pas applicable tel quel dans les autres pays.
Pourquoi ne pas créer un bonus/malus antiprécarité par branche? Les entreprises d'une même branche employant plus de personnes en Intérim ou en CDD devraient pénalisées par rapport à celles qui créent des emplois sécurisés.
Les très petites entreprises devraient être aidées à créer de l'emploi, pour leur 1r ou 2e emploi créé.

Chap. 10 multiplier par 3 le budget logement
Les loyers ont augmenté beaucoup plus rapidement que les salaires et pèsent lourd dans la baisse du pouvoir d'achat des ménages. Ces loyers augmentant à cause du manque de logements disponibles. D'après la fondation Abbé Pierre, il faudrait construire 800 000 nouveaux logements par an pour sortir de la crise, or l'objectif du gouvernement est seulement de 500 000 et il n'est même pas atteint (moins de 400 000). Le secteur du bâtiment va perdre des emplois alors qu'il devrait embaucher! Pourquoi ne pas utiliser le fond de réserves des retraites (30 milliards) pour financer ces constructions, plutôt que de le placer sur des marchés financiers, où il risque de perdre brutalement de sa valeur à partir de 2010, quand les baby-boomer américain vont partir à la retraite et vendre leurs actions? Cette solution a été utilisée aux Pays-Bas où 50% du parc de logement est la propriété de syndicats et de coopératives. Le prix du loyer devrait être fixés par les eux et non pas par le prix du marché

Chap. 11 déclarer à la guerre au dérèglement climatique.
Perte accélérée de la biodiversité, disparition annoncée de certains glaciers, multiplication des sécheresses etc. le dérèglement climatique n'est pas une question d'augmentation d'indice de la crème solaire !
1)Une taxe sur l'énergie est nécessaire, mais pour qu'elle soit socialement acceptable il faut la penser un minimum. La taxe carbone manquait de clarté et de justice. Pourquoi ne pas créer d'abord un chèque vert (d'environ 130€ par ménage) versé aux particuliers, puis une taxe en fonction de la consommation d'énergie. Le prix de l'énergie doit augmenter pour permettre une véritable économie de cette dernière, mais cet effort ne doit pas se reporter brutalement sur les ménages les plus modestes.
2) rendre obligatoire un diagnostic thermique et un haut niveau d'isolation lors de la vente d'un logement.
3) développer les énergies renouvelables : 90% de l'électricité utilisée en Europe pour le chauffage est utilisée par la France! Or son rendement énergétique est très mauvais. Les énergies renouvelables et les productions alternatives de chauffages (biomasse etc.) devraient être développées. Des milliards ont été mis pour développer le nucléaire, il faut donner au moins autant de moyens pour les énergies alternatives.
4) créer un service civil européen ayant vocation à participer à des projets de sauvegarde de l'environnement.

Chap. 12 Partager le temps de travail
La productivité a augmenté de manière très forte depuis 74, et en parallèle la population active a augmenté, de ce fait l'écart s'est creusé entre l'offre et la demande de travail (d'environ 33%). Si la durée du travail avait en parallèle baissé de 33% depuis 74, le taux de chômage serait resté à peu près stable. Mais la durée du travail s'est maintenue.
La tentative de passer à 35h (l'objectif était de passer à 32h par la suite) a été un échec : selon l'INSEE la durée réelle d'un temps plein est de 41h en moyenne ( en 2008).
Pourquoi? parce que les négociations de la deuxième loi Aubry n'ont pas exigé la création d'emploi pour bénéficier des exonérations (70 milliards de francs en exonération), que la définition du temps de travail a été modifiée, et qu'il n'y a eu aucune obligation d'aller réellement à 35h.
Malgré cela, cette réduction du temps de travail (de l'ordre de 4%) a créé environ 350 000 emplois.
Pourquoi ne pas reprendre le processus, en créant la semaine de 4 jours ( 32 h) qui permettrait à elle seule de créer 1 600 000 emplois?
Il faudrait pour cela financer la création d'emplois en exonérant de 8% , mais seulement si il y a une baisse effective de la durée du travail ET au moins 10% d'embauche en CDI. Cette journée dégagée pourrait également permettre d'améliorer significativement la formation continue. La réorganisation du travail avec la semaine de 4 jours est possible pour les entreprises, même de petite taille.Elle est déjà en place pour 400 entreprises. Elle permet également de mieux gérer les coups de feu et les imprévus. Son impact au niveau macroéconomique a été calculé par Patrick Artus directeur des études économiques à la caisse des dépôts en 93 et il a attesté de sa faisabilité pratique.
Cette évolution du temps de travail n'est pas une abbération, entre 1870 et 1970, le temps de travail a été divisé par deux ( semaine de 7 jours, à 12h/j ->semaine de 5 jours à 8h/j) et depuis 1970, la durée du travail stagne alors que la productivité a augmenté !

Chap. 13 La solution interdite ?
résumé des différentes propositions et explication du blocage.

"Cité de verre" de Paul Auster


Cité de verre de Paul Auster, premier roman de la trilogie New-yorkaise, Babel, 1991

Grande rencontre avec Monsieur Auster avec Cité de verre.
On plonge littéralement dans ce roman. On s'amuse à établir des parallèles, à reconnaître des clins d'œil.
Par exemple on pense à Borges avec le jeu d'illusions que met en place Auster, entre le "vrai" et l'irréel, mais aussi avec les multiples références culturelles (Héraclite...), cependant c'est un peu moins "labyrinthique", il y a plus de narration. Le jeu est ici au service de l'histoire.
On pense aussi à Lewis Carroll ou à Cervantès.
Paul Auster, écrivain lui-même, est présent comme personnage, mais tous les personnages sont son double et tout particulièrement Quinn.

Dans la première partie : l'écrivain joue au détective, il rencontre deux "fous"(ou trois?) qui lui confient une mission. Un adulte, handicapé-traumatisé, et sa femme qui lui demande une protection car le père de ce dernier va sortir de prison où il se trouvait pour avoir enfermé son fils durant de longues années coupé de tout contact. Ses observations sont notées dans un cahier rouge. Il cherche à comprendre le mystère du père. Il y a une réflexion sur le langage qui remonte jusqu'à Babel, et à un éventuel langage divin. Dans l'optique de retrouver le langage originel, des expériences sur des enfants sont analysées et ...reproduites.

Dans une deuxième partie : Quinn sombre. Il devient "fou" lui aussi. Il ne cherche plus à comprendre, et se détache de plus en plus de son ancien moi. On assiste à une dépossession à la fois matérielle et psychique lors d'un guet inutile qu'il mène durant des mois devant une maison dans l'optique de protèger ses habitants (qui ne se trouvent plus là). Il devient SDF. Quand il comprend qu'il n'y a personne, il n'y pas de machine arrière possible. Il est entretenu dans la maison vide où on lui fait mystérieusement parvenir de la nourriture. Il a perdu tout réflexe humain, sauf l'écriture. La seule question qu'il se pose est celle de la fin du cahier rouge.

Les personnages sont intenses. L'écriture est efficace. On est vraiment embarqué dans l'histoire et dans cette réflexion. On lit d'une traite, pris, même lors des divagations des personnages. Étonnant et Détonnant.

jeudi 3 juin 2010

Le cycle de "L'assassin royal" de Robin Hobb


Cycle de l'assassin royal de Robin Hobb. Edition anglaise, 3 livres : 1. Assassin apprentice 2. Royal assassin 3. Assassin's Quest. Parution entre 1996 et 2004. Edition française "J'ai lu", 6 livres (au lieu de trois, ce qui n'a aucun sens, à part bien sûr un sens commercial aigu) 1. l'apprenti assassin 2. l'assassin du roi 3. La nef du crépuscule 4.Le poison de la vengeance 5.La voie magique 6. La reine solitaire.

Une nouvelle découverte (pour moi, car tous les lecteurs de fantasy connaissent Robin Hobb) !
C'est avec passion que je me suis laissée entraîner dans le cycle de l'assassin royal.

Nous sommes dans les six duchés, un monde médiéval fantastique proche du notre.
L'art et le vif sont les deux éléments vraiment fantastiques de ce monde : le premier est le pouvoir de l'esprit, au niveau le plus basique pour communiquer des informations, mais pouvant aller jusqu'à la manipulation des sensations et de la personnalité, l'apprentissage de l'art est souvent réservé à la famille royale.
Le vif est la magie animale, maudite dans certaines contrées, acceptées ailleurs, c'est un lien avec les animaux qui peut être extrêmement fort avec un animal en particulier au point que l'homme et l'animal deviennent inséparable.
La famille des Loinvoyants régne sur Les six duchés et ces derniers, sont confrontés à des menaces extérieurs avec l'attaque des pirates rouges, sans compter de graves problèmes internes..

Robin Hobb a su créer des personnages très réussis : humains, vivants, colorés, variés. On est loin de certains livres pauvres en personnages et qui plus est remplis de manichéisme. On rentre facilement dans l'histoire, bien racontée, avec suspense, et un entrelacement entre l'histoire des personnages et l'Histoire des six-duchés. On trouve également dans ce cycle une analyse fine des pouvoirs politiques, une réflexion sur le pouvoir et sa responsabilité.

Le style est très agréable, mais ne convient pas aux "jeunes lecteurs" (en gros, c'est pas parce que c'est de la fantasy que c'est pour les enfants ! Je parle seulement d'un point de vue de facilité de lecture, faut pas se faire des idées ^^)

Un cycle à lire pour tous les amateurs du genre Fantasy.

Par curiosité :
Site des fans français de Robin Hobb

Blog francophone officiel de l'auteur


Site officiel de Robin Hobb (en anglais)
on y trouve dans la partie question/réponse des explications et des réflexions très intéressantes sur le métier d'écrivain.

"Le parfum d'Adam" de Jean-Christophe Rufin

"Le parfum d'Adam" de Jean-Christophe Rufin, Flammarion, 2007, 538p.

Construit comme un roman d'espionnage, le parfum d'Adam tente de faire dans l'original par la nature de la menace : l'écologisme radical.

L'auteur, pourtant documenté- comme le montre une postface pleine de l'ambition de faire le tour du sujet - semble singulièrement caricatural dans ce domaine.

Il a écrit ce livre pour médiatiser la menace des écolos radicaux. Noble but, il est vrai que des mouvements violents existent chez les écolos et que les mesures extrémistes sont à combattre.

Emprunt d'un souci didactique, il nous explique ensuite la différence entre le bon écolo et le mauvais écolo. C'est là personnellement que ça se gâte : les bons écolos ont vision humaniste "restaurons la nature pour l'homme " et les mauvais écolos, les cinglés, sont anti-humanistes (bien sûr) et pour eux l'homme n'est qu'une espèce parmi d'autres et ne devrait pas avoir tant de droit sur la nature etc. Dans le livre ces écolos là pensent directement à tuer des gens pour soulager mère planète et bien sûr ils prennent pour cible des pauvres, qui n'arrêtent pas de faire des enfants que dame nature ne peut plus nourrir, histoire que ce soit encore plus révoltant.

Bref considérer que l'homme est bien une espèce parmi d'autre, et que son pouvoir destructeur devrait être contrôlé, amène automatiquement à l'envie d'une épuration de masse. Je m'inquiète.

Mais passons, revenons à "l'oeuvre" d'un point de vue littéraire :

Les personnages sont stéréotypés comme je l'ai rarement vu, il y a un héros (médecin et ex espion, comme l'auteur...) et une héroïne d'une beauté " étourdissante" (femme au foyer et ex espionne), tout cela à de forts relents d'harlequin. Comme les personnages secondaires, ils n'ont pas vraiment de liens avec d'autres personnes, rien n'influe sur leurs décisions à part eux mêmes (et les méchants).

Barbie et Ken, heu pardon Paul et Kerry, reforment leur équipe d'antan pour une nouvelle mission de lutte contre le terrorisme, mais cette fois ci ils travaillent pour un organisme privé, Providence. Bien entendu ils ont une aventure ensemble, due aux moments magiques de leur mission. Ce n'est pas là dessus que l'on sera surpris. On entend l'auteur fantasmer à plein régime.

Au niveau du scénario, l'intrigue est un peu longue à se mettre en place et on devine la fin bien avant la fin du livre.

Bref un roman manichéen , qui décrit bien les difficultés liées au monde des services secrets, mais sans trop de suspens, et pas très bien écrit. Je le déconseille.

lundi 31 mai 2010

"Les pilules bleues" de Frederik Peeters

"Les pilules bleues" de Frederik Peeters, Atrabile, 2001, 200p.

Autobiographie d'une relation qui vit au travers du sida, mais sans misérabilisme. Frederik Peeters fait vivre cet extrait de son histoire avec fraicheur, sans niaiserie mais sans non plus éviter les questions douloureuses. C'est aussi la vision d'un homme sur une femme et sur son couple, l'ambiance d'une petite ville de Suisse et de sorties d'adolescence plus ou moins longues.

A lire !

jeudi 27 mai 2010

"Tout est bien qui finit bien" de Shakespeare

Tout est bien qui finit bien de Shakespeare, collection Bouquins,
œuvres complètes Tragicomédie T.1

Etrange pièce :
Hélène, fille d'un médecin décédé vit chez une comtesse qui la considère presque comme sa fille. La comtesse a également un fils, Bertrand -sic-, de tournure agréable etc.
Bien naturellement Hélène est follement amoureuse de Bertrand et ce dernier ne la voit même pas.
Bertrand est appelé à la cour du roi mourant, Hélène le suit à la cour discrètement et décide de proposer une formule miracle inventée par son père pour le remettre sur pied. Le roi guéri lui permet de choisir l'époux de son choix. Mais Bertrand la refuse, et soumit au mariage par le roi, décide de fuir et de ne jamais consommer le mariage. Hélène, loin d'être en colère, s'en veut d'avoir éloigné son amour de sa mère et de la cour et de l'avoir mis en danger -car il est parti au front. Elle décide donc de partir en pèlerinage à pied pour lui donner l'occasion de revenir. Certes.
Comme le hasard fait bien les choses, son pèlerinage la mène au front et elle discute avec une veuve et sa fille Diane. Celle-ci est bien embêtée car un certain Bertrand lui fait une cour assidue et pressante. Petit stratagème : l'épouse malheureuse remplace Diane dans le noir et récupère aussi la bague de la famille au passage. sitôt fait, Bertrand apprend une rumeur comme quoi son épouse est morte, il saute de joie et retourne à la cour où on lui promet un bon nouveau mariage avec une noble cette fois. Mais- pauvre Bertrand- sa femme et Diane le suivent et finissent par révéler sa perfidie devant la cour. Au lieu d'être pendu ou de connaitre un sort misérable, il accepte de se remettre avec sa femme.

Très grivois, même pour du Shakespeare, avec des personnages bien connus de bouffon et de flatteur qui se glissent dans le scénario. Mais "tout est bien qui finit bien" n'a pas de souffle. Et le scénario est vraiment pauvre. Très décevant. Moi qui avait adoré les comédies dans la même collection Bouquins, je me pose maintenant des questions sur les tragicomédies..

"L'ingénue libertine" de Colette

L'ingénue libertine de Colette

L'ingénue libertine, c'est Minne, dont le physique si particulier, les cheveux d'un blond si pur et les yeux si sombres envoutent les hommes qu'elle rencontre- à commencer par son cousin Antoine.

On suit la jeune fille à trois périodes de sa vie : Jeune fille à l'imagination débridée et limite malsaine, qu'elle cache à la perfection à son entourage, à l'exception d'Antoine. Femme de ce dernier et insatisfaite physiquement, à la recherche d'amants lui permettant d'obtenir cette jouissance. Puis à Montecarlo la "résolution de ce drame".

J'aime l'écriture de Colette, mais cela ne suffit pas quand la trame et les personnages sont creux et si peu intéressants. Minne notamment éveille particulièrement peu la sympathie ou même le dégoût ou toute autre sentiment excepté l'ennui.
Colette écrit que cette trame était à l'origine une nouvelle et c'est poussée par ses proches qu'elle l'a transformée en roman. Peut-être n'aurait-elle pas du.

mercredi 19 mai 2010

"L'article de la mort" d'Etienne de Montety


L'article de la mort d'Etienne de Montety, Ed Gallimard, 2009, 296 p.


Moreira, journaliste, est chargé de la rubrique "nécro": il prépare des feuillets prêts à servir en cas de décès de personnalités politiques, de peoples etc...

Il suit un personnage -Charles Elie Sirmont-, figure du bien en politique, homme à l'image trop parfaite, toujours engagé dans diverses missions humanitaires au quatre coins du globe. Cette image semble trop nette, trop orchestrée pour Moreira et il décide de mener l'enquête.

Ce roman transporte au sein du monde des médias, il permet de découvrir son fonctionnement, ses perversités, son vocabulaire, mais aussi les spécificités des rapports entre la presse et l'édition.

La fin est particulièrement bien : surprenante, Moreira perce à jour le secret de Sirmont, ...mais un évènement va l'empêcher de faire sa nécrologie classique....

A conseiller ! Un bon roman, avec un style est plaisant, bien écrit sans être lourd, une intrigue bien menée, et une vision bien informée -l'auteur dirige le figaro littéraire- et agréablement vacharde des médias.

mardi 18 mai 2010

"Camille et Paul : la passion Claudel" de Dominique Bona


Camille et Paul la passion Claudel de Dominique Bona

Ce livre est le récit de deux destins extraordinaires.
Tout deux sont extrêmement précoces : dès 6 et 7 ans l'une fouille la terre pour la modeler l'autre écrit ses premiers textes, vers 13 ans chacun d'eux s'inscrit définitivement dans sa carrière, avec l' appui de leur père qui envoie à Paris la famille, ce que leur mère leur reprochera toujours.

Pour Camille Paris est une libération, c'est la découverte, la participation à des ateliers avec des amis et puis la rencontre avec Rodin.
Pour Paul Paris est une cage infernale, et il ne rêve que de s'échapper, d'où son orientation vers la carrière de consul, pour partir !

Camille et Rodin : une liaison volcanique, Rodin l'aime, elle sera une muse et bien plus, mais il ne parvient pas à quitter sa femme ancien modèle de 50 ans.. ni ses aventures modélisques. Camille après des années de tentatives pour obtenir Rodin pour elle seule, finira par renoncer en coupant les ponts ce qui l'isolera encore davantage. Cependant Rodin reste un ami "dans l'ombre", lui obtenant des commandes et travaillant à sa reconnaissance.
Rodin a certes influencé son style, mais Camille était déjà professionnelle avant, elle a été son élève mais a toujours conservé son propre style.

Débuts de carrières :

Paul : Suite à une brusque révélation de la foi à Paris, Paul veut un temps devenir moine, mais il n'est pas accepté, il restera profondément mystique toute sa vie.
Son premier poste: la Chine, il tombe sous le charme, parcourt le pays dans tous les sens, il est touché par la philosophie taoïste...
S'il n'est pas moine, il veut rester pur, et reste ainsi puceau longtemps....mais ses bonnes résolutions tombent quand il rencontre "Rosie", femme mariée, il vivra avec elle une relation passionnée qui fera grand bruit dans la ville où il travaille ..puisque Rosie s'installe pendant un an chez lui avec ses enfants. Elle finira par l'abondonner lui et le mari d'origine pour un troisième homme.Cette rupture brutale pour Paul, lui inspire encore plus une défiance envers les femmes, il se servira de Rosie pour son personnage d'Ysé dans le Partage de midi. Camille et elle seront à l'origine de quasi tous les personnages féminins de ses oeuvres. Suite à cela, il décide de faire un mariage de raison avec Reine, parfaite femme au foyer chrétienne, qu'il n'aimera jamais vraiment , celle ci lui fait rapidement 5 enfants. Il poursuit sa carrière, en Allemagne, aux Etats-unis, au Brésil au Danemark, au Japon ... les ambiances de ces différents pays lui inspireront des écrits.

Camille ne parvenant pas à obtenir Rodin pour elle seule, finit par couper tout contact avec lui. Ce dernier essayera pourtant longtemps de la faire revenir puis simplement de l'aider, souvent anonymement, car Camille traquée par des soucis financiers et isolée volontairement va peut à peu développer une paranoïa de la persécution à son égard. Elle imagine que Rodin et ses amis veulent la détruire, l'empoisonner, qu'ils envoient des espions chez elle lui voler ses idées.. Elle sombre en parallèle dans un laisser aller général, ne se lavant plus, cassant ses œuvres les moins réussies dans des moments de furie.

Un tournant : la mort du père

Camille était aidée financièrement par la famille, même si elle était reconnue comme artiste par ses pairs et obtenait des commandes, elle ne parvenait pas à en vivre. Sa paranoïa de plus en plus impressionnante la coupait également de la vie normale. Tout le monde était conscient des problèmes psychologiques qu'elle rencontrait, la question de l'asile était dans l'air, mais son père s'y opposait. Après sa mort, sa mère et Paul signent l'autorisation de placement en asile.
Personne ne peut ou ne veut s'occuper de Camille, qui est pourtant encore à cette période aurait pu être "sauvée" par un environnement stable, amical, confortable... Car mis à part sa paranoia envers Rodin, Camille est lucide elle a conservé son intelligence et son sens de l'humour.
Face aux conditions de vie en asile, même en" première classe"; elle n'aura de cesse de demander à sa mère puis à son frère de la laisser sortir, en vain. Elle va passer 30 années enfermée, isolée sans même avoir le droit d'échanger du courrier hors sa famille. (car sa mère redoute un scandale)
Elle ne sculpte plus, ne touche plus une fois à la terre, et attend inlassablement la fin de son calvaire..
Sa mère est responsable de son isolement, c'est elle qui insistera pour qu'il soit impossible de lui envoyer du courrier, sa fille est pour elle"parée de tous les vices", elle en a peur, elle ne l'a jamais vraiment aimé, contrairement à son autre fille Louise...mais elle lui enverra des colis alimentaires jusqu'à sa mort.

L'indifférence de Paul

Paul, après la fin de sa carrière continue d'écrire, ce sera le temps de la reconnaissance, avec une adaptation triomphale au théâtre d'une de ses œuvres, il est nommé académicien etc. Il vit douillettement dans un château avec sa femme et souvent sa grande famille qui se réunit.
Il vieillit, a des problème d'anémie... mais hors des visites biannuelles il ne fait pas grand chose pour Camille. Pourquoi l'a-t-il laissé ?
la peur d'être contaminé par sa folie? un dégout, une vengeance inconsciente de l'abandon de Camille quand il était adolescent et qu'elle prenait son envol vers le monde de la sculpture et Rodin..? ou peut-être simplement de l'égoïsme, confit dans la reconnaissance et dans les honneurs, face à cette grande sœur autrefois si puissante et dont la vie est "un échec complet" selon ses mots alors qu'elle avait "tant de dons de dieu"... Paul semble considérer sa sœur responsable de son malheur, ce qui n'est pas tout à fait faux, mais la peine est sans commune mesure avec sa "faute".
Son jugement d'échec est démenti par l'histoire qui a restauré la place de Camille dans la sculpture, son talent et son originalité sont aujourd'hui reconnus, et on ne peut que regretter son arrêt brutal du métier, et sa fin tragique.

A conseiller : à tout ceux qui s'intéressent à l'œuvre de Camille ou de Paul, à la sculpture ou même simplement à des vies passionnées.

mardi 11 mai 2010

"Mal de pierres" de Milena Agus


"Mal de pierres" de Milena Agus, Ed Liana Lévi, 2007, 123p.

Une femme sarde souffre de calculs rénaux, qui l'empêchent d'avoir des enfants, mais c'est le moindre de ses maux, car on murmure qu'elle est folle.

C'est pour ça que ses parents l'ont donné au premier homme qui a demandé sa main, non par amour mais par reconnaissance pour leur hospitalité durant la guerre.

Ils forment un couple étrange, sans amour mais pas sans tendresse.

Après une cure dans une station thermale, où elle rencontre un homme qui la marquera toute sa vie, un "rescapé" de la guerre, elle mène enfin une grossesse à son terme.

L'enfant est un garçon, futur musicien de talent international, et père de la narratrice.

Ce court roman interroge le rapport à la réalité et à la fiction mais sans grande inspiration, l'écriture est cependant étonnante, directe et précise, mais pas exceptionnelle.

Je pense que ce récit n'aurait pas supporté d'être plus long.
A conseiller aux expérimentateurs qui ont un peu de temps.

jeudi 6 mai 2010

"L'extraordinaire histoire de Fatima Monsour" de Joanne et Gerry Dryansky



"L'extraordinaire histoire de Fatima Monsour" de Joanne et Gerry Dryansky, Héloise d'Ormesson, 2009, 333p.

A Paris, une vieille comtesse se voit brutalement privée des services de sa femme de chambre. Cherchant à la remplacer et à faire quelque chose en sa mémoire, elle décide d'engager sa sœur, Fatima Monsour, qu'elle fait venir de Djerba.

La roue tourne-t-elle pour Fatima la malchanceuse, répudiée par correspondance par son mari?

C'est surtout le début des ses aventures sur Paris... l'occasion de voir un choc des cultures finement amené.

Le scénario n'est pas "extraordinaire", ce qui l'est en revanche c'est l'effet de ce petit roman : un remède contre la morosité, on sourit et on se sent bien quand on le lit !
Les personnages sont attachants et l'écriture est fine, sans lourdeur.


A conseiller pour une bouffé d'air, une détente et de la bonne humeur, notamment pour les parisiens.
A déconseiller bien sûr aux amateurs exclusifs de livres "sérieux"

"Intrigue à l'anglaise" d'Adrien Goetz



"Intrigue à l'anglaise" d' Adrien Goetz, Le livre de poche,2008 , 314p

Pénélope, jeune lauréate du difficile concours des conservateurs du patrimoine, est nommée adjointe au musée de Bayeux, chargée d'assister la directrice pour veiller sur la fameuse tapisserie. Las cela n'enchante pas une férue de civilisation Égyptienne-et plus spécialement Copte- bien enracinée à Paris et visant le département spécialisé du Louvre.

Tout se complique rapidement avec la tentative d'assassinat de la "pauvre Solange", directrice de son état, le vol d'une mystérieuse enchère, et l'apparition de fins alternatives à la tapisserie.

Quelles utilisations politiques (actuelles, mais aussi lors de l'époque de la dernière guerre ou encore au temps de Napoléon) pour cette tapisserie?

Pénélope doit donc mener l'enquête, entre Paris et Bayeux voir jusqu'aux frontières de l'Angleterre. Le récit est plein d'humour et se lit très rapidement, on est vite pris dans cette intrigue à l'anglaise, légère et acidulée.


lundi 3 mai 2010

"Notes T.4 : Songe est Mensonge", Boulet



Notes Tome 4 : Songe est mensonge, Boulet, Delcourt, 190p

4ème Tome de son célébrissime blog, Boulet a choisi le thème du rêve et de l'imaginaire comme fil rouge à travers ce recueil de notes pour la période 2007-2008.

On y trouve des réflexions diverses sur le pseudo-monde imaginaire des enfants, et bien sûr sur la différence et les liens entre réalité et fiction.

Les notes sont variées, bien dessinées, et toujours drôles (avec une mention spéciale pour "fiscale fantasy" et "les publicitaires et le surimi")

Les précédents tomes ( 3. La viande c'est la force, 2. Le petit théâtre de la rue, 1. Born to be a larve) sont à lire également d'urgence !

mardi 13 avril 2010

"Rue des Boutiques Obscures" de Patrick Modiano


Rue des Boutiques Obscures de Patrick Modiano, Gallimard, 1978, 214 p.


Un homme, amnésique, part à la recherche de son identité.
Il remonte une trace, rencontre après rencontre, photo après photo... Il croise d'improbables personnages et fait surgir leur passé dans l'espoir de s'y découvrir. Il tente de faire remonter ses souvenirs en se les évoquant, en se les décrivant, pour finalement se rendre compte qu'il a endossé le rôle d'un autre, que la personne qu'il tentait de rejoindre par le souvenir n'est pas lui-même.

Ce roman est une quête, une recherche incessante dans laquelle le "héros" et le lecteur n'obtiennent pas de réponse, mais seulement de nouvelles pistes pour poursuivre la balade. De ce fait, il n'y a pas de fin.

L'auteur mène en parallèle une réflexion sur le passé, ou plus précisément sur le rapport au passé. Comment vivre sans se souvenir? Cependant à quoi bon chercher à tout prix le passé si on ne vit plus au présent?

samedi 10 avril 2010

"Le village de l'Allemand : Ou Le journal des frères Schiller" de Boualem Sansal



Le village de l'Allemand : Ou Le journal des frères Schiller de Boualem Sansal, Gallimard, 2008, 263p.

La narration est assez originale : un frère un peu kaira, vivant dans la cité et ayant failli devenir islamiste radical écrit un journal dans lequel il insère des passages du journal de son frère, ce dernier s'étant récemment suicidé après avoir découvert le passé SS de leur père. L'auteur alterne donc des styles d'écritures bien différents.

Cette situation est un prétexte pour le fond : Boualem Sansal s'interroge ici sur la question de l'héritage et le poids du passé.

L'ainé, en repartant sur les traces de ses parents, assassinés en Algérie, va y découvrir le passé de son père. Entre incrédulité et anéantissement, il va alors retracer ses différentes actions et son implication dans l'holocauste. Cette quête devient une sorte de pèlerinage, un chemin de croix pour connaître et souffrir. Cette culpabilité injustifiée mais insondable d'être le fils de son père va le mener au suicide. Son journal sera transmis à son petit frère qui découvre l'ampleur de la réalité historique du génocide et met ce dernier en parallèle avec la montée de l'islam intégriste des cités.
Cette mise en parallèle finit par être un peu lourde et semble aussi un peu simple. La fin du roman traîne en longueur, l'auteur tourne autours des mêmes thèmes et des mêmes questions sans conclure. Je n'ai pas vu l'intérêt des lettres écrites par le jeune frère à l'administration française, comme des bouteilles à la mer.

Un roman intéressant, qui rend hommage à "si c'est un homme", mais qui n'a pas l'étoffe d'un chef d'œuvre.

jeudi 1 avril 2010

"Saya" de Richard Collasse

Saya de Richard Collasse, Seuil, 2009, 222 p.

Au Japon, dans les années 2000, nous suivons la vie de trois personnages : Jinwaki cadre dans un magasin de luxe et récemment mis au chomâge, Kaori, son épouse, et Saya, jeune lycéenne. Tous les trois vont expérimenter une perte de repères, une sorte de rupture. Jinwaki en perdant son travail, Kaori en n'ayant plus à s'occuper de sa belle-mère suite à son décès, et Saya en joignant sa vie au lycée à la pratique de "rapports subventionnés" pour gagner de l'argent de poche. La narration découpée par trois points de vue , plus ou moins chronologique, est très efficace.

Le roman est prenant, on est vite emmené dans la vie de ces personnages coincés dans leurs situations d'échecs. Le ton est parfois cru, assez violent et tendu mais l'émotion passe et domine l'ensemble.

On se prend de sympathie pour Saya, adolescente japonaise, ayant vécu en France, et qui tombe éperduement amoureuse de son deuxième "client"... sa présence est lumineuse, elle est un peu irréelle avec un côté "fantasme concrétisé" (parlant français, adorant la musique classique et en jouant etc.) mais cela n'est pas trop gênant dans le récit. Jinwaki est aussi touchant dans son incapacité à réagir face à son licenciement, il s'accroche à Saya et vit en marge de sa vie d'avant une histoire d'amour complétement improbable et immorale, mais sincère. Chose surprenante, La sympathie s'étend à Kaori. Cette femme acariâtre fait payer sa vie gâchée et sa frustration par des petites tortures quotidiennes envers sa belle-mère (qui le lui rend bien), et par des dépenses inconsidérées. Elle trouve le réconfort auprès de son chihuahua, Brad, et se cache derrière un strict respect des apparences. On sent la femme désœuvrée, qui , ayant vécu pour une famille dont l'existence se disloque, cherche un sens à sa vie.

La fin est un peu décevante : rapide et saugrenue (ne pas lire si vous n'avez pas lu le livre : ayant trouvé un nouveau travail, Jinwaki part à l'étranger et perd son téléphone, ce qui rompt le contact avec Saya, celle-ci tombe en dépression et finit par se suicider persuadée qu'il l'a oublié, le tout sous les yeux de Jinwaki qui était revenu au Japon et prenait le métro : certes...)

Malgré cela, le roman se lit d'une traite et offre un bon panorama de la société japonaise avec ses conventions et ses contradictions.

vendredi 26 mars 2010

"Juste avant l'hiver" de Françoise Henry




Juste avant l'hiver de Françoise Henry, Grasset, mars 2009, 187p


Une tenancière d'un café à Prague que la vie a rempli de rancœur raconte l'histoire d'une de ses serveuses, Anna, histoire qui ressemble à la sienne.
Le ton est dur, car la "tenancière" est amère. Elle s'adresse pleine de haine, de jalousie mais aussi d'empathie à Anna, dont elle raconte et imagine l'histoire.
Prague n'est malheureusement pas vraiment présent, l'univers se réduisant au café glauque et vert où évoluent les personnages. Le monde est oppressant, policé, surveillé.
On assisté à l'émergence d'un amour, aux difficultés qu'il rencontre et à sa fin.
L'amant d'Anna lui sera mystérieusement enlevé et sera donné pour mort, la laissant seule devant le choix de croire ou non en cette mort.

Passé la surprise d'une narration originale, ce choix lasse très vite. De plus il favorise les répétitions sans fin de prénom de la part de la tenancière "Anna ceci, Anna etc. ", ce qui est très lourd. Malgré un petit nombre de pages, on s'ennuie rapidement, et je trouve le roman définitivement trop long.