jeudi 24 juin 2010

"Crime et châtiment" de Dostoïevski


Crime et châtiment, de Dostoïevski, Garnier Flammarion, 1999, 626p.


Crime et châtiment est l'un des romans les mieux construits que j'ai pu lire. Il n'est certes pas toujours très facile à lire( ah ! profusion de personnages aux noms, prénoms, surnoms russes... vous voulez m'embrouiller, mais je ne céderai pas !), cependant on entre immédiatement dans l'intrigue et jusqu'au bout on est pris par cette histoire et par ces personnages. 626 pages ... mais aucune longueur !

L'écriture joue bien entendu un grand rôle, elle est très maîtrisée.

Les personnages sont peut-être ce qu'il a de plus réussi : Dostoïevski les rend incroyablement vivants. Leurs réflexions et tourments psychologiques nous donnent l'impression d'être non à leur côté, mais sous leur peau. Leurs caractères - très riches et contrastés- concentrent l'Humanité, thème récurrent chez Dostoïevski.

Crime et châtiment est bien entendu ce qu'on appelle un roman psychologique, car tout (les réflexions des personnages, leurs actions, l'enquête etc.) y est analysé par ce biais et le rôle de la psychologie dans la société est même abordé directement. Son sujet principal est la psychologie d'un criminel, qui est ici loin de ressembler à l'image habituelle que l'on pourrait avoir d'un assassin.
On assiste à l'analyse de l'esprit humain, des névroses, de la misère, de la présence ou non de la culpabilité... Comme dans d'autres romans de Dostoïevski, l'aspect chrétien est très présent, les thèmes du mal, de la tentation, de la rédemption sont au cœur de ses réflexions.

Ce roman fait vraiment une forte impression et on comprend que M. Vogüé, académicien, ait pu juger en 1886 que la plupart des Français ne pourraient pas terminer sa lecture car" la puissance d'épouvante de l'écrivain est trop supérieure à la résistance d'une organisation moyenne". ^^



-Personnages principaux-

Raskolnikov -dit Rodia- est le personnage principal, ex-étudiant en droit , presque abruti par la misère, il rêve d'une solution définitive pour s'en débarrasser et s'assurer un capital, tout en refusant d'abord de penser sérieusement à "la chose". Pourtant, emporté par sa théorie sur la différence entre les gens ordinaires et les personnes extraordinaires mais aussi par la torture psychologique à l'idée d'être un fardeau pour sa mère et sa sœur, il va commettre un crime affreux. Cet assassinat lui porte sur les nerfs et il sombre dans une maladie proche de la folie. Plongé dans le délire, Raskolnikov ne cesse de "se vendre" par mille indices. Il ne connaît pas de remord d'avoir tué la "mauvaise petite vieille" mais ne parvient pourtant plus à vivre normalement. Il envisage toutes les possibilités pour "s'en sortir". Mais sous l'influence de Sonia, il va se décider à se dénoncer et à assumer son châtiment.
C'est un personnage plein de contradictions: très fier, parfois égoïste, emporté (et assassin)... il est aussi généreux, rempli d'amour filial et apte à la pitié.

Pulchérie Alexandrovna Raskolnikova est sa mère, personnage secondaire, elle incarne la Mère au-delà de sa personne. Elle adore Rodia, souffre de son comportement et de ne pas le comprendre. Lorsqu'elle aura l'intuition de ce qui s'est passé, elle sombrera dans la folie et la maladie.

Dounia (Avdotia Romanovna) est sa sœur. C'est une femme belle et forte dotée d'un sens moral à toute épreuve. Elle a le sens de la famille et du sacrifice et désire sauver les personnes qui l'entourent. Elle est d'abord gouvernante chez Marthe Petrovna et Svidrigaïlov où ce dernier lui fait la cour, ce qui provoque la fin de son contrat. Elle accepte de se fiancer avec Loujine, afin d'avoir de quoi aider son frère. Mais elle rompt ses fiançailles une fois qu'elle aperçoit sa bassesse.

Arcade Ivanovitch Svidrigaïlov est le veuf de Marthe Petrovna. On sait qu'il a persécuté Dounia de ses avances. C'est un être sensuel, obsédé par les femmes et les très jeunes filles. Il semble presque une incarnation du Diable,tant il est responsable de nombreux "déshonneurs" et même du suicide d'une toute jeune fille. Pourtant il est véritablement amoureux de Dounia et la réitération de son refus le brise. Il fait jusqu'à la fin de nombreuses actions tantôt bonnes (Il va assurer une place et de l'argent aux orphelins, il donne une somme à Sonia...), tantôt mauvaises (il tente d'abuser de Dounia, fait du chantage...) ou parfois très ambigües. Sur Saint-Pétersbourg il dit hésiter entre un voyage ou un mariage avec une nouvelle fiancée de 16 ans. Il choisit finalement de "partir en Amérique" et se suicide. C'est un personnage étonnant, il n'a pas de morale et souhaiterai pourtant être racheté, il est perdu dans tous les sens du terme.

Marmeladov, ancien fonctionnaire et désormais ivrogne notoire, il raconte sa vie à Rodia qui en est profondément touché (Partie I, Chap. 2). Toutes les misères qui peuvent être liées à l'alcool sont ici présentes avec une violence morale incroyable. Marmeladov se sait responsable d'une grande partie des malheurs qu'il inflige à sa famille, il souhaite être puni, crucifié mais ne change rien, telle une épave, allongé par terre, il est responsable sans l'être vraiment d'un déchirement intrafamilial. Sa femme est phtisique et devient folle, sa fille aînée a accepté le déshonneur pour que les quatre autres enfants ne meurent pas de faim. Il finit par se jeter sous les roues d'un fiacre, et ramené par Rodia dans sa famille expire dans la nuit.
A côté l'Assommoir c'est oui-oui va au troquet.

Catherine Ivanovna, est la femme de Marmeladov. Instruite et fille d'un "presque" colonel, Catherine ne pardonne pas à son mari de boire leur vie. Ses enfants n'ont plus que des haillons, qu'elle nettoie la nuit car ils n'ont aucun vêtement de rechange. Sa maladie empire au fil du temps et les malheurs finissent par lui déranger le cerveau. Elle bat ses enfants et les aime. Elle organise un "grand souper funèbre" avec l'argent offert par Rodia pour l'enterrement de Marmeladov. N'ayant plus toute sa tête, elle froisse et insulte à plusieurs reprises sa logeuse, qui l'avait aidé pour le repas et à qui elle doit plusieurs loyers: elle se retrouve à la rue avec les enfants, où complétement folle désormais, elle se met à les déguiser et à les faire chanter, jusqu'à succomber à une dernière attaque de phtisie.

Pierre Petrovitch Loujine est le fiancé de Dounia, sa première rencontre avec Rodia se passe mal puisqu'il est insulté par ce dernier. Rodia le juge d'instinct comme un être bas. Effectivement Loujine est peut-être le pire des personnages. Pour lui seul l'argent compte dans ce monde. Il est très satisfait de lui-même et n'éprouve jamais de remord, n'ayant jamais le sentiment de véritablement mal-agir. D'un égoïsme féroce, il n'avance rien à sa fiancée pour le trajet et se propose simplement de transporter leur malle. Il leur trouve un meublé minable qu'il ne se propose même pas de payer. Lorsque Dounia rompt avec lui il imagine un stratagème ignoble pour nuire à Rodia qu'il estime plus ou moins à raison être responsable (Partie V). Il décide de salir la réputation de Sonia, afin de pouver à Dounia que son frère n'est pas digne de confiance. Il profite du repas de la veillée funèbre pour ce faire. Habitant dans le même immeuble, il demande à Sonia de venir le voir, pour lui parler et finalement lui donner un billet de 10 roubles afin officieusement de l'aider, le tout sous le regard de Lebeziatnikov, un voisin "progressiste" . Il descend ensuite au repas l'accuser de lui avoir volé 100 roubles, qui sont bien sûr retrouvés, pliés dans la poche de Sonia. Le témoignage de Lebeziatnikov tourne en la défaveur de Pierre Petrovitch puisqu'il affirme l'avoir vu lui-même glisser ce billet supplémentaire dans la poche de Sonia. Son stratagème a échoué.

Razoumikhine est le meilleur ami de Rodia, il lui propose du travail, lors de sa maladie, il l'assiste de manière dévouée et l'aide de mille manières. Il devient l'ange gardien de sa mère et de sa soeur, bien volontairement puisqu'il est sous le charme de Dounia. Energique, positif, parfois un peu trop naïf, c'est l'image du bien et de la gentillesse.

Sonia (Sophie Semionovna Marmeladova) est la fille aînée de Marmeladov. Pour faire survivre sa belle-famille, elle se déshonore. C'est l'image même de la victime. Petite, frêle et fragile elle a pourtant une grande force qui lui vient de sa foi en Dieu. Rodia la prend en pitié, puis ressent le soin de se confesser à elle de son crime. Elle est épouvantée et l'encourage à se dénoncer, mais elle ne se détourne pas de lui. Elle va le suivre en Sibérie, près du bagne, pour le voir régulièrement. C'est grâce à elle que Rodia sera véritablement sauvé. Car avoir accepté la justice des hommes n'est pas suffisant, il continue de ne pas ressentir de remord vis-à-vis de son crime. C'est après plusieurs mois au bagne qu'arrivera la renaissance de Rodia, grâce à l'amour de Sonia, personnage décidément bien christique.

Porphyre Petrovitvh est le commissaire chargé de l'enquête de la vieille usurière et de sa soeur. Il est fin analyste de la psychologie humaine et soupçonne fortement Rodia. Il cherche à confirmer ses intuitions lors de conversations soi disant badines, portant notamment sur la thèse de Rodia exposée dans un article (Partie III, Chap.5). Ses interrogatoires détournés sont terribles, et Rodia n'obtient un sursis qu'avec la déposition inopinée de Nicolas -un ouvrier peintre qui travaillait en dessus de l'appartement de la petite vieille - qui s'accuse du meurtre à la stupéfaction de tous. Porphyre Petrovitch vient chez Rodia et lui fait comprendre que malgré la déposition de Nicolas, il est fermement convaincu que c'est bien lui le coupable et il lui conseille de venir faire ses aveux on lui promettant que cela permettra une remise de sa peine (Partie VI).

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