mardi 18 mai 2010

"Camille et Paul : la passion Claudel" de Dominique Bona


Camille et Paul la passion Claudel de Dominique Bona

Ce livre est le récit de deux destins extraordinaires.
Tout deux sont extrêmement précoces : dès 6 et 7 ans l'une fouille la terre pour la modeler l'autre écrit ses premiers textes, vers 13 ans chacun d'eux s'inscrit définitivement dans sa carrière, avec l' appui de leur père qui envoie à Paris la famille, ce que leur mère leur reprochera toujours.

Pour Camille Paris est une libération, c'est la découverte, la participation à des ateliers avec des amis et puis la rencontre avec Rodin.
Pour Paul Paris est une cage infernale, et il ne rêve que de s'échapper, d'où son orientation vers la carrière de consul, pour partir !

Camille et Rodin : une liaison volcanique, Rodin l'aime, elle sera une muse et bien plus, mais il ne parvient pas à quitter sa femme ancien modèle de 50 ans.. ni ses aventures modélisques. Camille après des années de tentatives pour obtenir Rodin pour elle seule, finira par renoncer en coupant les ponts ce qui l'isolera encore davantage. Cependant Rodin reste un ami "dans l'ombre", lui obtenant des commandes et travaillant à sa reconnaissance.
Rodin a certes influencé son style, mais Camille était déjà professionnelle avant, elle a été son élève mais a toujours conservé son propre style.

Débuts de carrières :

Paul : Suite à une brusque révélation de la foi à Paris, Paul veut un temps devenir moine, mais il n'est pas accepté, il restera profondément mystique toute sa vie.
Son premier poste: la Chine, il tombe sous le charme, parcourt le pays dans tous les sens, il est touché par la philosophie taoïste...
S'il n'est pas moine, il veut rester pur, et reste ainsi puceau longtemps....mais ses bonnes résolutions tombent quand il rencontre "Rosie", femme mariée, il vivra avec elle une relation passionnée qui fera grand bruit dans la ville où il travaille ..puisque Rosie s'installe pendant un an chez lui avec ses enfants. Elle finira par l'abondonner lui et le mari d'origine pour un troisième homme.Cette rupture brutale pour Paul, lui inspire encore plus une défiance envers les femmes, il se servira de Rosie pour son personnage d'Ysé dans le Partage de midi. Camille et elle seront à l'origine de quasi tous les personnages féminins de ses oeuvres. Suite à cela, il décide de faire un mariage de raison avec Reine, parfaite femme au foyer chrétienne, qu'il n'aimera jamais vraiment , celle ci lui fait rapidement 5 enfants. Il poursuit sa carrière, en Allemagne, aux Etats-unis, au Brésil au Danemark, au Japon ... les ambiances de ces différents pays lui inspireront des écrits.

Camille ne parvenant pas à obtenir Rodin pour elle seule, finit par couper tout contact avec lui. Ce dernier essayera pourtant longtemps de la faire revenir puis simplement de l'aider, souvent anonymement, car Camille traquée par des soucis financiers et isolée volontairement va peut à peu développer une paranoïa de la persécution à son égard. Elle imagine que Rodin et ses amis veulent la détruire, l'empoisonner, qu'ils envoient des espions chez elle lui voler ses idées.. Elle sombre en parallèle dans un laisser aller général, ne se lavant plus, cassant ses œuvres les moins réussies dans des moments de furie.

Un tournant : la mort du père

Camille était aidée financièrement par la famille, même si elle était reconnue comme artiste par ses pairs et obtenait des commandes, elle ne parvenait pas à en vivre. Sa paranoïa de plus en plus impressionnante la coupait également de la vie normale. Tout le monde était conscient des problèmes psychologiques qu'elle rencontrait, la question de l'asile était dans l'air, mais son père s'y opposait. Après sa mort, sa mère et Paul signent l'autorisation de placement en asile.
Personne ne peut ou ne veut s'occuper de Camille, qui est pourtant encore à cette période aurait pu être "sauvée" par un environnement stable, amical, confortable... Car mis à part sa paranoia envers Rodin, Camille est lucide elle a conservé son intelligence et son sens de l'humour.
Face aux conditions de vie en asile, même en" première classe"; elle n'aura de cesse de demander à sa mère puis à son frère de la laisser sortir, en vain. Elle va passer 30 années enfermée, isolée sans même avoir le droit d'échanger du courrier hors sa famille. (car sa mère redoute un scandale)
Elle ne sculpte plus, ne touche plus une fois à la terre, et attend inlassablement la fin de son calvaire..
Sa mère est responsable de son isolement, c'est elle qui insistera pour qu'il soit impossible de lui envoyer du courrier, sa fille est pour elle"parée de tous les vices", elle en a peur, elle ne l'a jamais vraiment aimé, contrairement à son autre fille Louise...mais elle lui enverra des colis alimentaires jusqu'à sa mort.

L'indifférence de Paul

Paul, après la fin de sa carrière continue d'écrire, ce sera le temps de la reconnaissance, avec une adaptation triomphale au théâtre d'une de ses œuvres, il est nommé académicien etc. Il vit douillettement dans un château avec sa femme et souvent sa grande famille qui se réunit.
Il vieillit, a des problème d'anémie... mais hors des visites biannuelles il ne fait pas grand chose pour Camille. Pourquoi l'a-t-il laissé ?
la peur d'être contaminé par sa folie? un dégout, une vengeance inconsciente de l'abandon de Camille quand il était adolescent et qu'elle prenait son envol vers le monde de la sculpture et Rodin..? ou peut-être simplement de l'égoïsme, confit dans la reconnaissance et dans les honneurs, face à cette grande sœur autrefois si puissante et dont la vie est "un échec complet" selon ses mots alors qu'elle avait "tant de dons de dieu"... Paul semble considérer sa sœur responsable de son malheur, ce qui n'est pas tout à fait faux, mais la peine est sans commune mesure avec sa "faute".
Son jugement d'échec est démenti par l'histoire qui a restauré la place de Camille dans la sculpture, son talent et son originalité sont aujourd'hui reconnus, et on ne peut que regretter son arrêt brutal du métier, et sa fin tragique.

A conseiller : à tout ceux qui s'intéressent à l'œuvre de Camille ou de Paul, à la sculpture ou même simplement à des vies passionnées.