jeudi 5 janvier 2012

"Pour éviter le Krach Ultime" de Pierre Larrouturou

 Pour éviter le Krach Ultime de Pierre Larrouturou, Nova éditions, 2011, 250 p.

Après Crise la solution interdite (précédemment lu), sorti en 2009, Pierre Larrouturou rempile en 2011, la crise étant toujours bien présente et les choses n'ayant que peu évoluées.

On retrouve son style clair et précis, et sa volonté de convaincre, documents et graphiques à l'appui. Entre temps Larrouturou continue de diffuser ses idées par tous les médias possibles, notamment le Kairos (site du groupe de réflexion qui se charge d'organiser des débats sur la crise). L'analyse de la crise est identique à son premier livre et les solutions, pour une grande partie, également (au moins, il y a de la cohérence ^^). On y trouve cependant plus de détails sur les conséquences négatives possibles de la crise, ainsi que sur les solutions proposées.

Première partie : La crise est grave et les scénarios d'évolution sont inquiétants. (Chap. 1 à 3)

Le chômage se développe de manière inquiétante. Pour autant, la croissance n'est pas une solution crédible à ce problème : d'une part du fait que nous vivons dans un monde fini où les ressources ne sont pas inépuisables et d'autre part car les gains de productivité très importants réalisés ne permettent plus d'indexer l'emploi à la production. ("on peut produire plus avec moins de personne").

Larrouturou présente 3 scénarios : 
1re scénario "sortie de crise à la japonaise" (en crise depuis 1992) : croissance quasi nulle, avec des périodes de mini-reprises suivies de rechutes. C'est le scénario  le plus optimiste.

2e scénario " the big one" : le krach des finances publiques des États-Unis lié à leur niveau d'endettement et à la fuite en avant. Le déficit annuel représente environ 44% du budget prévisionnel de 2011 et environ 8.8% du PIB. La dette publique continue donc allègrement de se creuser. Face à ce problème, les USA ont voté une loi en aout 2011 pour pouvoir .... dépasser le seuil maximum de cette dette, précédemment fixé à 14 294 milliards de $... quelle gestion du problème ! La dette publique a atteint 14 980 milliards de dollars en septembre 2011 (plus de 100% du PIB). Pour financer notamment les déficits courants du gouvernement, des bons du trésor sont émis. Mais les bons du Trésor émis au-delà de 5 ans ne trouvent plus preneurs, seule la Réserve fédérale les achète, avec de l'argent qu'elle créée pour l'occasion...
"Entre 1913, date de sa création et 2007, la Réserve fédérale avait créé 600 milliards de dollars. On en est aujourd'hui à 2700, notait Le Figaro du 7 février 2011. En quatre ans, la Réserve fédérale a créé quatre fois plus de dollars qu'en quatre-vingts ans d'existence"
Cet évènement, de l'ordre de l'impensable pour la plupart des gens, aurait des conséquences absolument désastreuses sur l'ensemble de l'économie mondiale.

3eme scénario " la guerre" : On parle souvent de la Chine comme une "menace pour nos emplois", mais a-t-on conscience de la fragilité, de l'instabilité de ce pays-continent ? Le budget militaire de la Chine a plus que doublé en huit ans. Le chômage y atteint 22% de la population active fin 2010. Et une bulle immobilière de grande ampleur se prépare à éclater, ce qui pourrait, si cela arrive, dégénérer en crise sociale et politique. De plus, la Chine ne cache pas son ressentiment face au Japon et est très sensible sur Taïwan, sans parler du Tibet bien entendu. Bref, dans la mesure où les crises sont un terreau fertile pour les conflits, l'hypothèse d'un dérapage de la Chine n'est pas à exclure.

Deuxième partie : Changer le diagnostic de la crise. (Chap. 4)

La crise n'est pas un accident de parcours, mais un mécanisme logique. Ce n'est pas non plus une crise simplement financière ou économique à résoudre à grand coups de plans de rigueur.
Ce mécanisme est alimenté par le chômage de masse. Ce dernier a permis à la part des salaires dans la Valeur ajoutée de diminuer fortement, du fait du déséquilibre dans les négociations. (La part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises est passée de 67% à la fin des années 1970 à 57% au milieu des années 2000 pour les pays de l'OCDE). La part consacrée à la recherche et au développement n'a pas évoluée de manière symétrique. La richesse produite a donc été de plus en plus été orientée vers la "simple rémunération du capital". Comme l'économie risque cependant de s'effondrer sans consommation, l'endettement des ménages (notamment aux États-Unis) a été favorisé. Cette situation a donc nourri la dette privée et publique.

Troisième partie : Récapitulatif de solutions à mettre en place. (Chap.5 à 9) 
Plus de détails sur la note Crise la solution interdite

  • Se protéger des marchés financiers, avant qu'ils n'entrent dans une nouvelle crise.
En votant en nouveau "Glass-Steagall Act" (loi votée en 1933 aux USA séparant les banques de dépôts et les banques d'affaires), en changeant la fiscalité au niveau national et européen (en revenant sur l'ensemble des "cadeaux fiscaux" cf. un rapport parlementaire de juillet 2010 qui montre que si les baisses d'impôts votées depuis 10 ans étaient annulées, cela correspondrait à 100 milliards d'€ pour le budget de l'Etat, chaque année, et en instaurant une taxe Tobin au niveau européen), en boycottant les banques et entreprises qui travaillent avec les paradis fiscaux. (Le manque à gagner pour l’État est estimé à 20 à 30 milliards d'€ par an. Ce qui est réalisable, le conseil régional d'île de France le fait par exemple)
  • Stopper l'hémorragie, le problème du chômage. 
 Limiter les licenciements en permettant la baisse temporaire des temps de travail, pour s'adapter aux baisses de chiffre d'affaire. Sécuriser les chômeurs sur des durées plus longues que quelques mois (en France seulement 45% des chômeurs touchent une indemnité de pôle emploi), mieux les suivre et proposer de meilleures formations.
  • Lutter contre les délocalisations, réguler la mondialisation.
Jusqu'au milieu des années 2008, la production industrielle en France continuait d'augmenter chaque année. La France est encore compétitive (en 2008, la France était un des rares pays où la balance commerciale hors-Europe était excédentaire). La "mondialisation n'est pas coupable", pour autant elle doit être encadrée. La Chine s'est engagée à respecter un grand nombre de conventions sociales afin de faire partie de l'OMC (en 1997) et depuis, elle ne tient pas ses engagements. Une taxation pourrait être mise en place de manière progressive si des progrès en ce sens ne sont pas réalisés, afin de créer un fonds destiné à des actions liées à la protection sociale et de l'environnement.
  • Créer de nouveaux emplois
Dans le logement (la crise du logement n'est pas finie et les besoins ne sont pas pourvus), dans l'économie d'énergie (isolation, ...) dans le développement d'énergies renouvelables, mais aussi dans l'agriculture durable, le recyclage, les services aux personnes, le soutien aux PME...
  • Négocier un autre partage du travail et des revenus
Ce sont les gains de productivité et non les délocalisations qui détruisent des emplois. Plutôt que de chercher à aller contre cela, ces gains doivent s'accompagner d'une baisse du temps de travail (véritable, car les 35h n'ont en réalité pas été effectives de manière générale : selon l'INSEE la durée moyenne de travail est de 39,4h/sem en France pour un temps plein). Il serait possible de généraliser la semaine de 4 jours sans baisse de salaire pour les salaires de moins de 1500€ nets et cela pour les PME et les grands groupes. En proposant une exonération pour les entreprises qui créent réellement des postes avec cette baisse du temps de travail.  

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